Vers des services publics à 2 vitesses ?

Une politique systématique du digital par défaut des services publics pourrait avoir une autre conséquence : celle de créer un contexte de dépendance au numérique. Carole Bonnetier & Périne Brotcorne : «Ce faisant, on court le risque de marginaliser une partie de la population qui n’est pas en mesure de répondre facilement à cette obligation de connexion permanente.

Mobile et connecté par défaut

Dans notre étude, on voit que le profil type d’usager à qui vont s’adresser les nouveaux services digitaux est supposé familier avec les nouvelles technologies, il est mobile, il est connecté, il est à l’aise avec Internet. Et les autres? Les organismes que nous avons étudié insistent sur le fait que les usagers « à problème » pourront toujours avoir accès à leurs services de façon traditionnelle. il sera toujours possible de prendre un transport ou de recourir aux services de la Mutualité sans utiliser l’outil numérique. Mais il y a fort à parier que, dans un contexte de dépendance accrue au numérique, l’accès à certains services soit dans un avenir proche entièrement numérisé. Cela changera inévitablement la donne et permettra aux usagers hyper connectés de bénéficier des dernières innovations. Le risque existe donc de voir apparaître des services publics à 2 vitesses : aux usagers mobiles et connectés les services personnalisés, rapides, conviviaux. Aux autres les services minimum, inconfortables et compliqués. « 

Systématiser l’inclusion numérique dans les processus de conception des services

Pour éviter ces risques de mise à distance voire d’exclusion de certains usagers par la conception et le design, il conviendrait selon Carole Bonnetier et Périne Brotcorne de mettre davantage l’accent sur la dimension technologique de la médiation numérique: respect des normes d’accessibilité, qualité de l’ergonomie, lisibilité des contenus, simplicité du langage. Pour mettre celle-ci à l’ordre du jour, il est impératif, selon les 2 chercheuses, de procéder à un travail de sensibilisation des décideurs et concepteurs quant à leur responsabilité en matière d’égalité d’accès et d’usage et à les inciter, voire à les contraindre, à systématiser la mise en œuvre des pratiques d’inclusion et de médiation numérique dans leur processus de conception qui doivent être prensés « Inclusion by design ».

Vers des bonnes pratiques « d’Inclusion by design »

Carole Bonnetier et Périne Brotcorne ont obtenu une prolongation du budget pour valoriser les résultats de leur recherche. « L’objectif est de mieux réfléchir à des pratiques d’inclusion by design en développant un support/outil qui pourrait servir lors des phases de conception. Pour ce faire, nous allons organiser deux focus groupes dont l’objectif est de faire dialoguer deux mondes qui dialoguent peu voire jamais. Les concepteurs et designers d’un côté, une organisation d’action sociale, la Fédération des Services Sociaux de Bruxelles, et des acteurs du monde de l’inclusion, ARC asbl et des membres du réseau des Espaces Publics Bruxellois CABAN de l’autre. Le résultat de ce travail croisé est d’élaborer des « persona » et/ou des trajectoires d’usages prenant en compte la problématique de l’exclusion numérique ou de la faible utilisation des TIC. Les focus groupes auront lieu avant la fin décembre. Affaire à suivre, donc…