4 belges sur 10 risquent l’exclusion numérique

L’exclusion numérique est depuis un an et demi la priorité de la Fondation Roi Baudouin. Pour lutter contre celle-ci, la FRB a identifié l’ensemble des actions menées sur le territoire dans les 3 régions et en Europe. Avec le Fonds 4Wings, elle a soutenu la création de l’association WeTechCare Belgium par l’éditeur français de la plate-forme Les Bons Clics.

12% des belges non connectés et/ou sans compétences

A l’occasion des 15 ans des EPN, Quentin Martens, coordinateur de projets à la FRB avait emmené dans ses cartons Jean Deydier, Directeur et Fondateur des associations Emmaüs Connect et WeTechCare et pour l’instant Directeur de WeTechCare Belgium. Quentin Martens: « L’une des priorités du plan « Digital Belgium  » est de mettre les citoyens en mesure de mener tout contact avec l’administration par la voie électronique via des applications conviviales pour l’utilisateur. Les chiffres qu’ont révélé une étude que nous avons menée montrent pourtant que la dynamique de numérisation des services d’intérêt général risque de produire des effets d’exclusion. C’est que 12% des belges n’ont pas de compétences ou n’utilisent pas Internet et 27% ont des faibles compétences. En Belgique, 4 citoyens sur 10 risquent l’exclusion numérique !

Je viens d’une autre planète

Dans les actions menées par la FRB, il y a la production du film « Je viens d’une autre planète » réalisé par Yves Dorme pour sensibiliser notamment les responsables politiques à la thématique. La Fondation a également lancé -et lancera encore- des appels à projets et travaille à mettre l’ensemble des acteurs concernés autour de la table :les acteurs sociaux et les médiateurs numériques bien sûr mais aussi les responsables politiques, les pouvoirs publics et les acteurs privés. Elle veut également multiplier les possibilités d’accompagnement des personnes en décrochage numérique. Quentin Martens : « A ce niveau, les EPN ont manifestement une longueur d’avance. Vous êtes en place depuis 15 ans et votre expertise est considérable. Mais on se trouve devant un défi d’envergure. L’année passée, les EPN ont accueilli 250.000 personnes. C’est bien loin du compte face aux chiffres de la fracture numérique. Avec notre casquette pauvreté, nous nous intéressons particulièrement aux 12% de la population qui est en état de décrochage numérique. Ils ont 3 possibilités. Soit ils abandonnent, soit ils font appel à leur réseau familial mais ce n’est pas toujours possible, soit ils entrent en contact avec des acteurs de proximité. Ce sont ces acteurs familiaux et sociaux que nous voulons également toucher en les outillant et en mettant à leur disposition des ressources et des réseaux. C’est l’objectif de la plate-forme 1,2,3 Digit de WeTechCare Belgium. Dès le début de l’année prochaine, nous proposerons aux animateurs des EPN de s’y former.  »

Construire des parcours de formation

Jean Deydier: »Notre projet est né dans un chantier d’insertion. Notre verbatim, ce sont des gens désocialisés, des gens dans la rue pour qui l’usage numérique était vital. Pour ces personnes, le téléphone sont leur dernière adresse connue. Nous nous sommes rendus compte qu’ils préféraient arrêter de manger plutôt que de s’en séparer. Ils achetaient des cartes pré-payées dans des bars tabac à des tarifs 30 à 50 fois plus cher. On a créé des lieux d’accueil publics avec une singularité. Nous sommes devenus une sorte d’opérateur qui fournissait des connexions à des tarifs extrêmement solidaires, 3 fois moins cher que l’offre du marché. Sur cette base là, on tissait un lien durable avec en public en difficulté sociale pour pouvoir le faire grandir dans les usages. On a créé un dispositif présent dans les grandes villes françaises qui accompagne 8000 personnes chaque année. Nous avons 3 métiers. A côté de l’équipement des personnes, nous traitons l’urgence sociale numérique avec comme particularité qu’en France, les services publics ont tracé des parcours obligés du numérique. Si vous n’êtes pas connecté, vous êtes en dehors de la société. Nous ne pouvez pas toucher vos allocations familiales ou de chômage. En troisième lieu, il y a le bagage informatique minimum. Comme vous, on a beaucoup travaillé sur base du référentiel Digcomp. Comme vous, on a créé des lieux d’accompagnement et de médiation. Mais on a vu que ce n’était pas suffisant. Il n’est pas facile de faire se déplacer notre public. Du coup, on a choisi de cibler les acteurs de terrain, les réseaux familiaux et informels, pour leur permettre d’accompagner leurs proches et/ou leurs publics. C’est comme cela qu’on a créé WeTechCare et les Bons Clics, une plate-forme pédagogique d’apprentissage et de mise à disposition de ressources à distance. »

1,2,3 Digit

Le modèle fonctionne. 4 ans après son lancement en France, WeTechCare compte une équipe d’une vingtaine de personnes. 700 associations l’utilisent, de la Croix Rouge à l’association de quartier. Elle est active auprès de 300 agences pôles emploi et dans 400 bibliothèques. Sa version belge, 1,2,3 Digit, pilotée localement par WeTechCare Belgium, poursuit la même philosophie. Elle intègre des outils d’évaluation du niveau d’autonomie numérique des personnes et propose des ressources pédagogiques qui facilitent l’accompagnement des publics sur des compétences numériques de base ou encore des démarches administratives dématérialisées. Elle va également permettre, grâce à une cartographie des structures du réseau des acteurs de l’inclusion et de l’autonomie numérique, d’orienter l’aidant vers les dispositifs les plus adaptés à sa demande.

Crédit photo Lionel Van Nuffel