La digitalisation des services, publics et privés, rend leur accès plus complexe aux personnes mal à l’aise avec le langage fondamental. Un clavier peut être rebutant pour une personne en difficulté avec la lecture et l’écriture. Le compromis technique adopté par Lire & Écrire Brabant wallon? La tablette, plus intuitive dans son interface que le portable. L’objectif: rencontrer le besoin de départ des apprenants de pouvoir s’outiller par rapport à l’accès en ligne aux services essentiels et, quelque part, les rendre acteurs dans un environnement de plus en plus numérisé.
Terminaux tactiles
C’est lors du Webinaire organisé en mai dernier par la Coordination Éducation permanente du Brabant wallon (elle réunit 24 associations) que Lire & Écrire BW a présenté son projet « Les Tics à la rencontre de l’Alpha », d’une durée de 3 ans (2019-2020-2021). Sofia Papadopoulos, Directrice: « Nous accompagnons des personnes en difficulté avec la lecture et l’écriture. De plus en plus, ils sont confrontés avec la digitalisation des services et nous demandent de l’aide pour pouvoir se débrouiller. Il est fréquent qu’ils ne disposent pas d’une bonne connexion ou d’un ordinateur à la maison et/ou qu’ils peinent à l’utiliser. En réponse, nous avons mis en place des collaborations avec des structures de proximité comme les EPN mais régulièrement, nous rencontrions des difficultés, soit au niveau de la disponibilité du lieu, soit au niveau de celle du formateur ou de l’équipement nécessaire. D’autre part, nous avons également constaté que beaucoup d’apprenants avaient remplacé leur ancien GSM par des smartphones, dont l’interface est plus intuitive qu’un ordinateur avec un clavier. La tablette fait partie de cette famille de terminaux tactiles. Avec l’aide de la Fondation Roi Baudouin, nous en avons acheté 70 pour introduire le numérique dans nos formations. »
Développer l’esprit critique
Le projet a démarré l’année précédent le confinement. « En groupe -on ne parlait pas encore de présentiel à ce moment là, la tablette comme support pédagogique rassurent les apprenants en leur permettant d’aller au-delà de la difficulté de la lecture et de l’écriture et de la difficulté de compréhension des codes imposés par le digital. Cela provoque une certaine émulation ou motivation et génère de la confiance en soi. Nos participants essaient, ils testent. Cela les amène aussi à prendre conscience collectivement de ce que le digital induit, notamment au niveau du respect de la vie privée. On touche aux questions relatives à l’esprit critique, à pouvoir distinguer le faux du vrai, à réfléchir aux sources de l’information. Non seulement les apprenants s’outillent pour accéder aux services essentiels, mais ils se sentent plus « citoyen » acteur de la digitalisation. »
300 apprenants, 70 tablettes
« En mars 2020, la crise sanitaire nous a contraint à arrêter tout cela. Nous avons été placé en télétravail forcé et le canal numérique a pris le pas sur la dynamique mise en place dans la formation. Un grand nombre d’apprenants va utiliser son smartphone et WhatsApp pour communiquer avec nous: l’individuel prend le pas sur le collectif. Nous comptons 300 apprenants pour 70 tablettes. En juin lorsque nous pourrons reprendre les formations en présentiel, nous déciderons de réaliser un état des lieux du matériel numérique à destination des apprenants dans le but de pouvoir acheter du matériel complémentaire. Sur base de celui-ci, on va anticiper un deuxième confinement en utilisant les tablettes comme support à une formation à distance via des plates formes comme Jitsi, Zoom ou BigBlueButton. C’est en ce sens que nous mettrons en place un système de prêt des tablettes. »
Le numérique est et doit rester un outil
Aujourd’hui, quel constat tirons-nous de cette expérience? Principalement, c’est qu’il y a un équilibre à trouver entre le numérique et les apprentissages. Le distanciel impacte le suivi et l’accompagnement des apprenants. Ceux-ci ont besoin de retrouver du présentiel, du collectif et des projets communs qui redonnent sens aux apprentissages. Un travail comme le notre ne peut pas se réaliser uniquement à travers le numérique. Dans les apprentissages des langages fondamentaux qui sont le cœur métier de nos formations le numérique ne vient que comme un outil doit le rester. »
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