Richard Stallman: non aux logiciels privateurs de liberté

C'est en 1983 que Richard Stallman lance le mouvement du logiciel libre avec le projet GNU. Deux ans plus tard, il crée la Free Software Foundation. Depuis, il parcoure le monde avec un mot d’ordre: défendre les libertés numériques. Fin août, il a fait un crochet à Bruxelles à l’invitation de son vieux complice Nicolas Pettiaux, l’organisateur d’Educode. Richard Stallman rappelle l'importance, pour le monde de l'enseignement, de la formation et des pouvoirs publics, de garantir aux citoyens une liberté essentielle: celle de pratiquer une activité numérique sans être suivi à la trace. "Si vous faites appel à un programme pour mener à bien des tâches affectant votre vie, votre liberté dépend du contrôle que vous avez sur ce programme. Cela implique 4 libertés. Tout d’abord, la liberté d’étudier le fonctionnement du programme, et de le modifier pour qu’il effectue vos tâches informatiques comme vous le souhaitez. En deuxième lieu, l’accès au code source est une condition nécessaire pour pouvoir le modifier et l'adapter à vos besoins".

 

Un contrôle collectif du code

Mais tout le monde n'est pas programmeur. "Il faut donc, c'est la troisième liberté, pouvoir redistribuer des copies, c'est à dire aider votre voisin non programmeur. Il faut enfin avoir la liberté de distribuer aux autres des copies de vos versions modifiées. En faisant cela, vous donnez à toute la communauté une possibilité de profiter de vos changements. Les deux premières libertés signifient que chaque utilisateur a un contrôle individuel sur le programme. Avec les deux autres libertés, n’importe quel groupe d’utilisateurs peuvent exercer un contrôle collectif sur le programme. Ce sont alors les utilisateurs qui contrôlent le programme."

 

Uber outrepasse ses droits

Avec ce que Stallman appelle le logiciel privateur, c’est le fabricant qui exerce un pouvoir sur l'utilisateur. " De plus en plus souvent, ceux-ci sont conçus pour vous espionner, vous manipuler ou vous censurer. Les programmes de lecture de livres d'Amazon mémorisent toute l'activité de leurs clients : le titre du livre, les pages lues, les notes prises. On s'est penché sur les 1000 applications les plus populaires dans l'environnement Android. Plus de la moitié espionnennt les utilisateurs de façon facilement détectable. On ne sait pas ce que font les autres : sans doute la même chose, mais de façon plus discrète! Spotify et Netflix gardent la liste de tout ce que vous avez écouté et regardé. Cela ne devrait pas être légal. Uber ne devrait pas avoir le droit d'exiger un enregistrement de ses passagers. Quand on prend un taxi, on reste anonyme. Uber, lui, enregistre où vous avez pris la course et où vous vous êtes rendu. Ce sont des informations qu'il a déjà fourni à l'état américain."

 

Portes dérobées

Ces logiciels privateurs contiennent des portes dérobées, du code conçu pour recevoir des commandes distance. "En 2009, Amazon y a eu recours pour effacer des milliers de versions du roman de Georges Orwell 1984. Devant les critiques, Amazon a promis qu’il ne le ferait plus jamais, sauf si l’état lui demandait. Mais ce n’était pas sincère: la société a recommencé quelques années plus tard. Dans une voiture autonome, ce type de porte dérobée pourrait être très dangereuse. Elle pourrait par exemple être utilisée pour vous conduire à la police secrète pour être torturé. Nous pouvons supposer que la chine implémentera ce type d’application mais qui sait si les USA ou la France ne le feront pas non plus au nom de la sécurité? Savez vous que la majorité des smartphones peuvent être convertis à distance en système d’écoute fonctionnant 24 heures sur 24?"

 

Le libre, condition fondamentale de l’exercice de la citoyenneté

"Il faudrait refuser tout équipement ne fonctionnant pas en logiciel libre pour uniquement utiliser des applications qui sont contrôlées par une communauté d’utilisateurs. Ce sont eux qui doivent avoir le pouvoir, pas les développeurs. J’ai lancé le système d’exploitation GNU en 1984 dans ce but : pour qu’on puisse utiliser un ordinateur en toute liberté. En 91, le système était presque complet. Seul manquait le noyau. C’est à ce moment que quelqu’un d’autre, Linus Torvalds, en a publié un : Linux. Mais il n’était pas libre. En 92, il l’a rendu libre et la combinaison GNU/Linux a été le premier système d’exploitation libre à pouvoir fonctionner dans un PC. Cette liberté est fondamentale pour l’exercice de la citoyenneté. C’est pour cela que les écoles, et plus globalement tout le secteur de la formation et de l’enseignement, devraient uniquement enseigner du logiciel libre pour transmettre ces valeurs démocratiques de solidarité et de partage. Cela permettrait en outre à une nouvelle génération de programmeurs de maîtriser leur art. Enseigner l’utilisation d’un programme non libre, c’est implanter la dépendance à l’égard de son propriétaire, en contradiction avec la mission sociétale de l’école. L’école ne doit pas confier l’activité informatique de ses élèves à des Google, Apple ou Microsoft. Cela ne devrait pas être toléré dans une société démocratique qui défend la liberté et l’éthique!"

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