Confier le développement des nouveaux services publics numériques à des entreprises commerciales, n’est-ce pas, quelque part, faire perdre son âme à la cité et privatiser la démocratie? En même temps, comment assurer la transition digitale lorsque l’on est une petite commune sans ressource technique ou une grande ville sans trésorerie? En tant que ville ou commune, faut-il intégrer, structurer et/ou développer les Civic Tech ? Lors de la journée des Civic Tech & de l’engagement citoyen organisé par le think tank Décider Ensemble en mars dernier , la question a été posée à la ville de Paris en la personne de Pauline Véron, ajointe à la Maire de Paris.
Plus d’interactivité
L’arrivée d’Anne Hidalgo aux responsabilités à la mairie de Paris en 2014 a coïncidé avec le constat d’un « nécessaire renouveau de la démocratie participative. » A l’époque, on commence seulement à parler de Civic Tech, notamment avec Parlement & Citoyens. Pauline Véron: « On a décidé de jouer la carte de ces nouveaux outils numériques. On a considéré la Civic Tech comme un allié qui pouvait nous aider à développer ce qu’on souhaitait faire en tant qu’élu: revivifier la démocratie par plus d‘interactivité. »
Halles civiques
Si la ville fait appel à l’extérieur, notamment pour la mise en ligne de la plate-forme Nuit des débats, elle demande également à son équipe de développeurs internes de travailler sur un budget participatif. Plus largement, la mairie de Paris décide de soutenir l’éco-système des Civic Tech en créant une Halle civique et en lançant un appel à projet. « Aujourd’hui, les Civic Tech souffrent de peu de moyens financiers publics pour se développer. Tout l’enjeu est de voir comme on peut permettre aux citoyens de participer aux débats de société et aux enjeux démocratiques. On voit bien avec la crise des gilets jaunes que les questions sur l’avenir de notre démocratie se multiplient. A côté de la fiscalité, l’autre grand sujet qui émerge du grand débat, c’est le référendum d’initiative populaire. Nous sommes conscients de l’importance d’accorder une place à ces citoyens qui se mobilisent pour revivifier la démocratie. » Cela passe par la création des halles civiques dans le 20ème arrondissement, au coeur du le Parc de Belleville. « Ce sont des espaces d’expérimentation publiques, démocratiques et citoyennes. On y trouve un incubateur, des Civic Tech, des chercheurs, associations, élus, entrepreneurs sociaux, des élus qui réfléchissent ensemble aux conditions de ce renouveau de la démocratie grâce notamment aux technologies numériques citoyennes. »
Donner des clés de lecture
La ville a également lancé un appel à projet pour soutenir les innovations dans le domaine, à concurrence de 100.000 €. « Cela permet de soutenir un certains nombre d’initiatives en gestation. On voit des choses nouvelles émerger. Ainsi, le fait de donner des clés de lecture aux citoyens sur les grands enjeux, sur les grands débats actuels permet de contrebalancer certains discours des chaînes d’infos en continu. Poser les arguments et les arrières pensées des uns et des autres, traiter les sujets en les documentant en profondeur, c’est donner aux gens les moyens de comprendre ce qui est en train de se jouer. »
La Transfo
Reste le travail en interne, utile et nécessaire dans la gestion de ce virage numérique. La mairie de Paris a mis en place 2 outils. « La Transfo est notre laboratoire interne d’innovation. Pendant plus d’un an, on propose à des agents publics de différents services de se retrouver ensemble une fois par mois pour travailler sur un service ou une fonction de la ville, d’aller sur le terrain voir dans quelle mesure il répond au besoin et comment il fonctionne. L’idée est de faire des propositions d’évolution du service qui viennent de l’interne, mais pas nécessairement du seul service concerné. » Et plus il y a l’intraprenariat public. « Le dispositif startup de ville propose à des agents volontaires qui constatent dans leur travail au quotidien qu’il leur manque un outil numérique pour mieux mettre en œuvre la politique publique qui est demandée de travail sur le projet. Pour l’instant trois projets ont été accompagné au NUMA. Les agents ont été en immersion avec des professionnels du numérique, ce qui a notamment donné naissance à une plate forme de mutualisation des locaux de la ville pouvant être loués ou prêtés aux associations. »
Réhabiliter le travail des fonctionnaires
« De manière générale, notre pratique concrète d’essayer d’introduire de la participation citoyenne dans toutes nos politiques publiques fait que les agents publics sont obligés d’être beaucoup plus en contact avec les citoyens pour expliquer les projets. Ils sont dans la discussion et la co-construction, notamment dans le cadre du budget participatif. In fine, toutes nos politiques de démocratie participative permettent aussi aux citoyens de mieux voir et comprendre ce que c’est qu’être fonctionnaire. C’est une façon de réhabiliter les agents publics et leur travail. Cela permet de montrer un autre visage de la fonction publique à une époque où elle est tans décriée. »