L’année passée, les EPN ont touché un public de 60.000 personnes (pour 260.000 accès). « Impressionnant », explique Quentin Martens, Senior coordinateur de projets Fondation Roi Baudouin « , mais pas suffisant au regard du 1.000.000 de wallons en difficulté numérique. Pour le responsable de la FRB, la solution passe par les acteurs sociaux. « Ils sont directement sur le terrain. Ce sont eux qui reçoivent les demandes, des gens qui n’ont pas de machine ou de courrier électronique, qui ne s’en sortent pas. Alors soit les professionnels sociaux considèrent que ce n’est pas leur boulot, soit, forts du lien de confiance qu’ils ont avec leur public, ils décident de leur mettre le pied à l’étrier pour les diriger ensuite vers les structures de médiation numérique professionnelles comme les Espaces Publics Numériques. C’est pour outiller et accompagner ces acteurs de première ligne que la plate-forme 123 Digit a été initiée. »
Une recherche au niveau national dédicacée à l’inclusion numérique
Aider les personnes les plus précarisées fait partie des missions de la FRB. « Le numérique n’est pas neutre en ce qu’il conditionne de plus en plus l’accès à des services essentiels, comme la santé, le logement ou l’administration. Voici deux ans, nous avons réalisé un zoom à partir de chiffres existants, Statbel principalement, pour quantifier le phénomène. Mais il n’existait pas de recherche dédicacée sur le sujet. » Avec le baromètre de l’inclusion numérique 2020, c’est chose faite. «Ici, nous avons procédé à un travail de recherche approfondi qui confirme l’ampleur d’une problématique qui reste à nos yeux sous estimée. Dire que 40 % de la population belge est en situation de vulnérabilité numérique, c’est dire que la vie au quotidien de ces personnes risque d’être impactée, voire dégradée à cause du non accès au numérique (8%) ou d’un niveau très faible de compétences en la matière (32%). »
Les précaires encore plus précaires
Quentin Martens : « On le voit dans cette étude, la fracture numérique touche en particulier les personnes les plus précaires. Elle renforce les inégalités dont elles souffrent déjà et augmente le risque d’exclusion sociale. Il est de moins en moins évident de chercher un travail, un logement ou un bon médecin sans ordinateur, sans Internet ou sans savoir taper une lettre et envoyer un courrier électronique. Selon notre baromètre, 75 % des personnes en fragilité (faible revenu, faible scolarité) sont en situation de vulnérabilité numérique. 30 % d’entre elles n’ont purement et simplement pas de connexion Internet. C’est quand même énorme ! Vous imaginez. Il faut aller chez quelqu’un, se rendre dans une bibliothèque ou un EPN et pour y faire uniquement l’indispensable : les devoirs des enfants, le remplissage des formulaires en ligne, les réponses aux offres d’emploi. Donc pas d’exploration, pas d’apprentissage, pas de développement de compétences. Le risque de dérapage ou de décrochage social augmente. Les données touchant à l’e-administration sont déjà interpellantes en elles mêmes, si l’on sait que 39 % des belges devant remplir un formulaire en ligne ne vont pas au bout du processus. Mais il faut savoir que 55 % des personnes avec des faibles revenus et 67 % avec un niveau diplôme peu élevé n’ont jamais fait de démarches administratives en ligne! »
Des Bons Clics à 1,2,3 Digit
Pour Quentin Martens, ces personnes en difficulté ou en décrochage numérique ont 3 possibilités. «Soit elles abandonnent, soit elles font appel à leur réseau familial mais ce n’est pas toujours possible, soit elles entrent en contact avec des acteurs de proximité. Ce sont ces acteurs sociaux que nous voulons toucher en les outillant et mettant à leur disposition des ressources et des réseaux. » C’est le sens du lancement l’année passée de WeTechCare Belgique, une association miroir de WeTechCare France. En un an, l’équipe belge est passée de 1 à 5 personnes et 123 Digit, la version belge de plate-forme pédagogique d’apprentissage et de ressources Les Bons Clics, a été portée vers le néerlandais. Pour l’instant, il doit y avoir quelque 200 structures inscrites. «L’adaptation à la réalité belge représente un boulot énorme. C’est aussi tout un travail de relation et de mise en confiance des différents acteurs qui ont travaillé sur les outils pédagogiques. Nous l’avons fait testé par des professionnels du terrain notamment via les réseaux des EPN wallons et bruxellois. Durant l’été une vingtaine de formations ont été distillées à l’intention de 200 acteurs. »
4 modules
La plate-forme compte pour l’instant 4 modules qui visent principalement les acteurs sociaux : Enjeux et opportunités de l’inclusion numérique; Comprendre et diagnostiquer la précarité numérique ; Construire des ateliers de formation au numérique pour ses bénéficiaires avec 123 Digit ; Formation à l’inclusion bancaire avec Febelfin et Itsme, les deux premiers partenaires qui ont financé le développement d’un module de formation sur leur service en ligne. Quentin Martens : « On a aussi une vision optimiste d’un numérique qui peut se transformer en accélérateur d’intégration sociale. Lorsque l’accès au numérique est assuré, que la confiance s’installe grâce à un accompagnement de qualité, la donne s’inverse. C’est là que les professionnels des EPN et les acteurs sociaux font vraiment la différence. »
1000 aidants numériques
Egalement dans l’actualité, la création et la formation en 2 ans de 1000 aidants numériques, objet du projet Interreg Cross & Le@rn qui réunit le Centre de ressources des EPN de Wallonie et Digipolis (Ville de Gand) pour la Belgique, Emmaüs Connect (Nord de la France) et les opérateurs WeTechCare France et WeTechCare Belgique. Quentin Martens : « Les choses bougent et la communauté des utilisateurs de la plate-forme 1,2,3 Digit grandit. Nous nous trouvons à un moment intéressant où nous allons atteindre une masse critique suffisante pour favoriser les échanges et les retours d’expérience et provoquer un effet de levier pour embarquer un maximum de monde dans ce projet de justice numérique. »