A la base, c’est Jeremy Grosman, chercheur à l’Unamur sur les algorithmes, venu à l’assemblée Générale pédagogique d’Actions Medias Jeunes, qui a présenté un jeu permettant d’incarner des algorithmes de classement de films à partir de plusieurs bases de données.
Maxime Verbesselt, Animateur en éducation aux médias: "On s’est dit qu’on pourrait partir de là pour faire une chouette animation On est parti du jeu de départ dont on a considérablement simplifié l’animation tout en repensant le contenu en fonction de notre public: les jeunes. Nous voulions également intégrer aux règles la notion de "personnalisation". Elle était absente du jeu de base et cela nous semblait primordial lorsque l’on parle d’algorithmes."
Créer un algorithme de recommandation Youtube
L’idée est de mettre les participants dans la peau d’ingénieurs qui doivent créer des algorithmes de recommandation pour Youtube. A la fin de l’animation, on regarde les résultats et on ouvre la discussion sur les enjeux liés aux algorithmes de recommandation en partant de celui de Youtube, puis en élargissant aux autres du même type (Spotify, Amazon,…) et puis aux algorithmes en général (fil d’actualité Facebook, résultats de recherche Google, etc.) On peut mieux se rendre compte ainsi des questionnements qui animent ceux qui doivent élaborer ce type d’algorithme, des biais dépendant des représentations et des objectifs des concepteurs et du décalage qu’il y a entre l’intention de départ du calcul et du résultat.
Trois groupes
Le jeu s’adresse à des groupes de 10 à 20 personnes. "Ils doivent programmer un algorithme qui conseille des vidéos aux utilisateurs de Youtube. On les divise en trois groupes, et chaque groupe doit réaliser son algorithme à partir de données différentes. Il y a un groupe objet, un groupe profil et un groupe interactions.»
Données vidéos
Le groupe objet a des données liées aux vidéos (nombre de vues, de likes, de dislikes, d’abonnés à la chaine, la date de mise en ligne…). Il doit réaliser un algorithme qui classe les vidéos pour n’importe quel utilisateur. Il élabore sa formule à partir d’un premier jeu de vidéo, puis l’applique à deux autres jeux qui arrivent par la suite sans avoir le droit de modifier son algorithme en fonction des nouvelles vidéos. Ils ont le droit d’utiliser les données qu’ils veulent, qui leur semblent pertinentes.
Données liées aux public
Le groupe profil a des données liées au public de la vidéo (âge, genre, région géographique) et doit faire un algorithme qui s’adresse à un profil particulier, celui de Janelle Plus tard, ils reçoit un deuxième profil, celui de Nicolas. Le groupe "interactions" reçoit lui une liste de personnes qui ont vu certaines vidéos que Janelle et Nicolas ont vu et d’autres non. A partir de cette liste, il doit donner un score aux différentes personnes et l’appliquer aux vidéos qui n’ont pas encore été vues par le profil pour parvenir à un classement.
Susciter le débat
Lorsque les trois algorithmes ont été créés, chaque groupe présente le sien en expliquant sa démarche. Ensuite, ils doivent imaginer ensemble un "méta-algorithme» qui classe pour les deux profils les vidéos à partir des trois premiers algorithmes. A nouveau, libre à eux de choisir un, deux ou les trois algorithmes et de pondérer leur importance. A la suite de ça, on compare ce qui ressort de leur algorithme avec le classement réalisé par Nicolas et Janelle (qui sont donc de vraies personnes) lorsqu’ils ont regardé les vidéos. Cela permet d’ouvrir la discussion : est-ce qu’un algorithme de recommandation est pertinent? Y a-t-il des alternatives? Quel est l’objectif poursuivi par Youtube? Etc".
Réfléchir les algorithmes
Action Media Jeunes a testé le jeu avec des ados à partir de 15 ans. "Plus jeunes, cela me semble difficile en l’état. Par contre, cela peut très bien être utilisé avec des groupes d’adultes. Nous avons fait l’animation dans deux classes de rhétos spéciale math, une classe de cinquième technique de transition et une classe de cinquième option informatique.
Un premier bilan? "Cela rencontre tout à fait nos attentes en matière de réflexion et d’esprit critique. On a eu des méthodes algorithmiques très différentes d’un groupe à l’autre, et des questionnements également sensiblement différents: alors qu’un groupe privilégiait l’idée d’essayer de favoriser la diversité et les vidéos ‘outsiders’, un autre mettait un point d’honneur à créer un algorithme qui soit neutre au niveau du genre des utilisateurs par exemple. Le format de l’animation permet justement de rencontrer les enjeux propres au groupe qui participe. On a quand même été assez étonné du niveau de compréhension assez élevé des algorithmes par les groupes test – mais il faudrait sans doute un échantillon plus large pour le confirmer."
Dans un EPN?
L’animation pourrait elle être reproductible dans un EPN ? "Oui, à condition d’avoir des tables, des chaises et un tableau. C’est typiquement une animation "sur papier" qui pourrait donc être réalisable n’importe où. Le public des EPN me semble être pertinent dans la mesure où cela permet de réfléchir aux enjeux plus sociopolitique (et économiques) tout en gardant une dimension technique. On pourrait imaginer une version également "informatisée», notamment dans un gain de temps au niveau des calculs… C’est en réflexion."