Bientôt des logiciels libres dans les administrations communales, les bibliothèques, les CPAS et les EPN ?

Aujourd’hui, le numérique public se développe et fonctionne grandement avec le systèmes et les applications de Microsoft. A plusieurs reprises, en Europe et dans le monde, des initiatives ont visé à émanciper le secteur public de la plate-forme américaine, pour des raisons d’indépendance, de sécurité et de coût. Une nouvelle initiative, à dimension Européenne, circule sur Internet. Un citoyen Autrichien a signé de ses initiales une pétition en faveur d’un système d’exploitation libre qui pourrait s’appeler « EU-Linux ». L’idée : en équiper l’ensemble des administrations publiques dans tous les États membres.

S’émanciper de la galaxie Microsoft

Pour N.W. l’auteur de la pétition, cette initiative « vise à réduire la dépendance à l’égard des produits Microsoft, à garantir le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) et à favoriser la transparence, la durabilité et la souveraineté numérique au sein de l’Union. »

Une position de consommateur

Ophélie Coelho, chercheuse indépendante, spécialiste en géopolitique du numérique : « Nous agissons en Europe un peu comme les clients en attente d’un bon service après vente. Nous sommes les clients, les consommateurs qui allons toquer à la porte des grandes plateformes en espérant qu’elles vont nous écouter. Quelques fois, quand il y a désaccords, on impose une amende au fournisseur mais dans tous les cas, on n’a aucune maîtrise de l’architecture des produits. On n’est pas content de la manière dont sont conçus les médias sociaux, de la manière dont ils polarisent, par exemple, sur le champ politique. On n’a pas non plus le contrôle sur les flux de données, où vont nos données et comment elles sont utilisées en seconde instance. Tout ça, en fait, est invisibilisé. »

Des enjeux stratégiques cruciaux

Stéfane Fermiger, cofondateur et membre du bureau exécutif de l’APELL, l’Association professionnelle européenne du logiciel libre : « L’initiative EU-Linux répond à des enjeux stratégiques cruciaux pour l’Union européenne. La dépendance aux logiciels propriétaires et aux services cloud, majoritairement développés et opérés hors de l’Europe, expose les données sensibles des administrations à des risques de cybersécurité et à une surveillance permise par les loi extra-territoriales des pays concernés. »

S’affranchir du coût des licences propriétaires

Il y a aussi l’aspect économie. « En s’éloignant des licences propriétaires coûteuses, l’UE pourrait constater une réduction immédiate des frais de licence, ce qui permettrait de réorienter ces fonds vers l’innovation et l’amélioration. Le modèle des logiciels libres permet non seulement de réduire les coûts de maintenance, mais aussi de faire en sorte que chaque État membre puisse personnaliser le système sans avoir à payer des frais exorbitants. »

S’inspirer des suites exister et tirer les leçons du passé

Pour maximiser les chances de succès d’EU-Linux, il est essentiel d’adopter une approche collaborative impliquant les institutions européennes, les communautés open source et les industriels locaux. Plutôt que de partir de zéro, l’initiative devrait s’appuyer, d’une façon ou d’une autre, sur des distributions Linux existantes, disposant d’une forte proportion de développeurs en Europe, comme par exemple Debian ou NixOS, reconnues pour leur fiabilité et leur large adoption. Stefane Fermiger: « En s’appuyant sur des précédents comme, par exemple, LiMux en Allemagne ou GendBuntu en France, ce projet offre une opportunité de tirer les leçons des expériences passées. »

Ne pas se limiter aux administrations

Ophélie Coelho : « Les administrations ne doivent être qu’une première étape. Il faut concevoir un plan de transition technologique avec à sa tête un chef d’orchestre politique européen et des relais au niveau national, en impliquant communautés open source, défenseurs du logiciel libre et tissu économique, je songe en tout particulier aux PME Il faut voir également plus large que les administrations. Il faudrait s’attaquer aussi un petit peu au domaine de la santé et de l’éducation. À partir du moment où, par exemple, on a les écoles et les universités qui bâtissent sur de l’open source, on a une habituation, en fait, aux usages, sur ces logiciels-là. On crée une communauté d’utilisateurs qui ont l’habitude de ces outils, qui sont déjà acculturés. »

S’inspirer du plan de transition du Land de Schleswig-Holstein

Stéphane Fermiger : « Le land de Schleswig-Holstein a lancé déjà depuis plusieurs années le passage de tous les fonctionnaires de cet état du nord de l’Allemagne sous Linux avec un plan d’action et de transition qui est très détaillé et qui pourrait servir d’inspiration. » Toutes les pièces du puzzle sont donc rassemblées. Reste à les mettre en place. On suivra avec attention et on attend avec impatience la (pour)suite du plan « Open source software strategy 2020-2023 »

Crédit image Laseroffice.it

 

Sources et ressources